« Les gens de la dhimma » ou « al mu’âhidûn », littéralement « ceux qui ont passé un contrat » sont deux catégories juridiques renvoyant directement aux citoyens de la cité musulmane n’en n’ayant pas la confession. Ces derniers font en vertu de leur statut parties d’un contrat de protection des personnes et de leurs droits fondamentaux.
Par ce contrat, l’État s’engage à leur offrir toutes les conditions qui leur permettront de vivre dignement et sereinement. Ils ne sont pas soumis à l’impôt social purificateur (« zakât ») qui est le troisième pilier de l’Islam, ni au service militaire. En contrepartie de cette protection, ils sont tenus de payer un impôt la « jizya » qui est l’équivalent d’une taxe militaire. Cette taxe a donc pour cause la protection assurée par l’Etat, ainsi dès que ce dernier n’est plus en mesure de prodiguer cette protection, le versement et la perception de la « jizya » sont juridiquement sans cause.
C’est en raison de cela que sous le règne de ‘Umar, le général Abû Ubayda n’étant plus sûr de pouvoir assurer la protection des « ahl adh-dhimma » ordonna que l’on rembourse les sommes respectivement versées par chacun au titre de la « jizya », l’autorité musulmane n’étant plus en mesure d’honorer ses engagements contractuels.
Au regard de son objet, ses recettes sont prioritairement destinées au financement de l’armée.
En définitive, cet impôt n’est autre qu’une participation financière des citoyens non-musulmans à la sécurité collective. Puisque les musulmans participent à cet effort en « versant leur sang », les non-musulmans participent en versant de l’argent. C’est en raison de cela que seuls les hommes en état de se battre s’y trouvent assujettis.
Ibn Qayyim, qu’Allah lui fasse miséricorde, rappelle à ce sujet que cet impôt était, au temps du Prophète, Paix et bénédiction d’Allah sur lui, prélevé le plus souvent en « armes ». En effet, les chrétiens de Najrân versaient chaque année à l’Etat de Médine une quantité déterminée d’armes, comme montant de leur Jizya : 30 armures, 30 chevaux de combat, 30 chameaux, et 30 pièces de chaque sorte d’armes qu’ils confectionnaient dans leurs ateliers. Ainsi, plus que de l’argent comme mentionné ci-avant, c’est plus largement en l’apport matériel que consiste la « jizya » que ce soit en numéraire, en armes ou en entretien de l’armée musulmane.
Ces considérations passées, la question d’un éventuel caractère discriminatoire de cet impôt peut prendre l’apparence de se poser. En y regardant de plus près, celle-ci ne trouve aucun fondement en ce que le croyant donne, quant à lui, la « zakat » qui est lui aussi un impôt religieux et étatique. Une anecdote sous le règne d’Umar finit de nous convaincre de cette réalité. Les historiens rapportent que les chrétiens de la tribu de Banou Taghlab refusèrent de donner l’impôt sous le nom de la « jizya » et demandèrent à ‘Umar de donner cet impôt sous le nom de la « Sadaqa ». Après avoir réuni « Majlass Ach Choura », ‘Omar accepta et prit cet impôt au nom de la « Sadaqa » au même titre que les musulmans…
Pour conclure sur ce point, il est utile de souligner à nouveau trois points permettant une vision plus claire et précise du caractère non discriminatoire de la « jizya » :
1 – La « jizya » s’annule comme cela est cité par certains juristes et comme cela a été attesté de la pratique de certains compagnons, lorsque que l’Etat islamique n’est pas en capacité de protéger les non musulmans. Outre, le récit rapporté précédemment concernant Abou Oubeyda, les récits sont nombreux en ce sens telle la lettre que Khalid Ibn Al Walid envoya à la tribu de Nastouna.
2 – La « zakat » qui est l’impôt étatique concernant exclusivement les musulmans est lui pris de l’homme « valide » mais aussi de la femme, de l’enfant ainsi que de tout adulte sain d’esprit possédant le « nissab » (seuil minimum d’imposition) contrairement à la « jizya » qui est restreinte à une seule catégorie de personne. La « zakat » est donc plus contraignante que la « jizya ».
3 – La « jizya » contrairement à la « zakat » n’est pas proportionnelle à la richesse de l’individu (selon l’avis majoritaire des juristes) .